“Dans le football, il y a des moments exclusivement poétiques : il s’agit des moments où survient l’action qui mène au but. Chaque but est toujours une invention, il est toujours une perturbation du code : il a toujours quelque chose d’inéluctable, de fulgurant, de stupéfiant, d’irréversible. C’est précisément ce qui se passe aussi avec la parole poétique. » Pier Paolo Pasolini
J’ai toujours aimé le foot sans vraiment comprendre pourquoi.
Ce que je sais, c’est que lorsque je vois un match, je redeviens le gamin de 7 ans qui va au stade pour la 1ère fois, arborant fièrement l’écharpe rouge du supporter. Cette fierté qu’a mon père en me présentant aux “collègues” du stade : “c’est mon fils, c’est sa 1ère fois !”.
Ce souvenir est revenu dans toute sa clarté au moment de la maladie de mon père, 45 ans plus tard, et, au-delà de l’intimité et du précieux qu’il a dans mon lien filial, me fait m’interroger sur ma passion pour le foot.
Est-elle vécue par tous de la même manière ou notre histoire intime lui fait-elle prendre des couleurs différentes ?
J’ai alors commencé à interroger mon entourage, amis, famille, sur un souvenir lié au foot et je suis parti de la date du 12 juillet 1998.
Je me souviens exactement de cette journée et je m’aperçois que tous, réfractaires, vaguement intéressés ou franchement passionnés,
se rappellent où ils étaient, ce qu’ils faisaient, avec qui.
Comment une date liée à un événement purement sportif, aussi futile soit-il pour certains, peut-elle être aussi importante dans
notre histoire collective ?
De la recherche des origines de la passion, je cherche alors à nourrir ma réflexion en lisant des journaux spécialisés, magazines, livres, publications internet, articles académiques, documentaires dont l’excellent “ Ce n’est pas grave d’aimer le foot” d’Hervé Mathoux, et prends conscience de l’ampleur des sujets liés à ce sport : historique, sociétal, politique, artistique…
Je pensais contrôler le sujet, celui-ci m’échappe, dévie, il est récupéré par Greg Truchet qui me fait une passe en profondeur. J’amortis, reprise de volée, boulet de canon en pleine lucarne ! Le sujet explose en 3 fragments : 3 spectacles abordant chacun autant sur la forme que sur le fond un aspect différent.
Musique et chant, marionnettes et théâtre d’objets, danse hip-hop, vidéo… Le fil rouge sera le théâtre.
Dans les tribunes d’un stade ou à la terrasse d’un café pendant un match, des gens n’ayant aucun point commun, se rencontrent, vibrent, partagent, exultent ou pleurent ensemble. Ce projet je ne pouvais donc le concevoir sans échanger avec les professionnels, les historiens, les journalistes, les passionnés de foot. Je me suis rapproché de Vincent Duluc, journaliste à l’Équipe, Bressan de coeur et d’âme, qui m’a ouvert les portes d’un monde jusque-là inaccessible. Tous ces rendez-vous m’ont permis de comprendre le caché, le non-visible du monde du football. Cette volonté de rencontre est au coeur de mon projet artistique.
Les spectacles s’écriront à partir d’échanges entre sportifs et artistes: chef d’orchestre et entraîneur, danseur et joueur…Cela permettra de confronter des univers qui n’ont, a priori, aucun point commun et de jouer sur leurs dissensions et similitudes.
Philippe Nauze